924
Lectures Watched
Since January 1, 2014
Hundreds of free, self-paced university courses available:
my recommendations here
Peruse my collection of 275
influential people of the past.
View My Class Notes via:
Receive My Class Notes via E-Mail:

VIEW ARCHIVE


Contact Me via E-Mail:
edward [at] tanguay.info
Notes on video lecture:
La vie de Nietzsche jusqu'à Bâle
Choose from these words to fill the blanks below:
anges, philologique, militaire, pudiquement, 1871, interroge, linceul, Wagner, indélébile, meilleur, fortes, Schopenhauer, éprouvé, caractérise, Tristan, nationalisme, ramollissement, Tribschen, décès, présent, droits, conquis, Ritschl, saisir, classique, Naumburg, vieillis, noué, mère, peine, musique, Pforta, hanter, grondement, éducateur, louange, Röcken, émouvant, Prusse, grecques, formation, germanique, Confédération, hébreu, enseignements, pasteur, Grèce, maladif, biographie, compassion, mélancolique, maladie, plastiques, exigeante, mépris, christianisme, entamé, requis
Friedrich Nietzsche est né le 15 octobre 1844 à                        une petite ville d'Allemagne, située près de Leipzig
l'Allemagne d'alors est un Etat encore en                   
le Saint Empire romain                     , constitué d'une multitude d'Etats, a été dissous en 1806, pendant les guerres napoléoniennes
l'Allemagne va être unifiée en         , sous l'égide de Bismarck et de la Prusse
– ces événements sont importants car ils constituent la toile de fond historique de la philosophie de Nietzsche et l'on retrouve de nombreuses allusions dans son oeuvre, notamment une critique assez féroce du                          allemand
en tout cas, en 1844, à la naissance de Nietzsche, l'Allemagne se trouve dans une forme institutionnelle intermédiaire, elle s'appelle la                                                        germanique (« der deutsche Bund »)
elle rassemble un peu moins de quarante Etats, dont le plus important est la Prusse
Röcken se trouve alors en             
Nietzsche est un sujet prussien
le père de Nietzsche, Karl-Ludwig, est               
il épouse en 1843 une fille de pasteur, la fille d'un de ses collègues, Franziska Oehler
de cette union naissent trois enfants : Friedrich-Wilhelm, en 1844, Elisabeth en 1846 et Joseph en 1848
les premières années de la vie de Friedrich sont marquées, de manière                                                 , par deux disparitions
d'abord celle de son père
Friedrich a alors à peine 5 ans
Karl-Ludwig contracte une                dans l'été 1848 et perd en quelques mois ses facultés
le diagnostic établi à l'époque fait état d'un «                              cérébral »
la légende familiale, certainement propagée par la mère et la soeur de Nietzsche, qui deviendront expertes, comme l'on sait, dans l'art de la mystification, évoque                        une chute dans l'escalier aux conséquences fatales
Nietzsche considère en tout cas que le lien                        avec son père dans ces premières années fut essentiel pour lui, constitutif de sa personnalité
très tôt, dans des textes écrits à l'adolescence, Nietzsche exprime une sensibilité pour les liens de filiation, il s'                   sur la transmission entre générations d'aptitudes, de talents, de caractères
plus tard, il écrira dans une lettre à l'un de ses proches amis, Franz Overbeck, qu'il a hérité du sens de la                      de son père
« La pitié est mon plus grand danger peut-être une conséquence de la nature extraordinaire de mon père que tous ceux qui l'ont connu rangeaient plutôt parmi les            que parmi les hommes.»
remarquons au passage que ce thème de la pitié, et son ambivalence – est-ce positivement de la compassion
ou bien, négativement, de la commisération, une forme de                            ? - sera un fil rouge à travers l'oeuvre de Nietzsche – et le coeur de sa critique du                           
Friedrich décrit ailleurs son père comme un être « frêle, gentil et               , comme un être destiné à passer – plus un aimable souvenir de la vie que la vie elle-même »
la mort précoce de son père, disparu à 36 ans, va le              toute sa vie
il a d'ailleurs l'intime conviction d'être condamné à vivre le même destin – et c'est du reste prémonitoire
dans Ecce Homo, son autobiographie, il considère qu'il a lui-même                            un inexorable déclin précisément à l'âge où son père est mort
mais, de manière typique, il fait de cette vulnérabilité congénitale, de ce destin tragique, un élément d'autodéfinition et un présupposé de sa philosophie
il écrit : « Je suis déjà mort en la personne de mon père ; dans celle de ma mère, je vis encore et je                 
cette double origine, en quelque sorte au premier et au dernier échelon de la vie, à la fois décadent et commencement, voilà qui, mieux que tout, explique cette neutralité, cette absence de parti pris à l'égard du problème de la vie dans son ensemble qui me                                      peut-être »
la seconde disparition, dans ces mêmes années, c'est la mort de son petit frère, Joseph, en février, des suites d'une inflammation dentaire
Friedrich rapporte, dans un texte                               , qu'il écrit à 14 ans, le rêve prémonitoire qu'il a fait la nuit précédant le drame :
« J'entendis dans l'église le son de l'orgue, comme à un enterrement. Et tandis que j'en cherchais la cause, une tombe s'ouvrit soudain et mon père en sortit, vêtu de son               
il marcha à grands pas vers l'église et revint bientôt avec un petit enfant dans les bras
la tombe s'ouvrit à nouveau, mon père y descendit et la pierre se referma
aussitôt le                      de l'orgue se tut et je m'éveillai
le jour qui suivit cette nuit, mon petit frère Joseph tomba brusquement malade, il eut des convulsions et mourut en quelques heures
notre            fut terrible
mon rêve s'était totalement réalisé »
quelle que soit la véracité de ce rêve, il est évident que ces deux morts, convoquées dans ce même récit, ont profondément marqué le jeune Nietzsche et ont déterminé en partie sa                     
après le                                        du père, la famille quitte Röcken et s'installe à un heure de là, à                 , où le jeune Friedrich va grandir, entourée de femmes : sa mère, sa sœur, sa grand-mère et ses deux tantes
les témoignages de cette époque présentent Nietzsche comme un petit garçon à part, solitaire                                       , très sage, très obéissant, capable de réciter par coeur des versets entiers de la Bible – ce qui lui vaut le surnom de « petit pasteur »
il est en même temps intégré à la bonne société de Naumburg et se lie d'amitié avec deux fils de notables, Wilhelm Pinder et Gustav Krug
avec eux, il s'initie à la musique et à la littérature
lorsqu'il a 14 ans, en 1858, commence une étape essentielle de son éducation et de sa formation : pendant six ans Friedrich est interne au collège royal de Pforta, situé à une heure de marche de Naumburg et il y reçoit une formation très                    dans les « humanités classiques »
le collège de Pforta est un collège réputé et très élitiste qui forme essentiellement de futurs enseignants
c'est un véritable Etat scolaire avec cloître, église, très protégé de l'extérieur, soustrait à toute agitation politique qui vit dans le Temps suspendu de la                          et de la Rome antiques
dans le règlement intérieur : « Les parents cèdent la totalité de leurs              parentaux à cette institution afin qu'elle se charge de l'éducation, tant morale que spirituelle, de ces enfants »
dans ce cadre très contraignant, à la discipline presque                   , le jeune Nietzsche assimile la culture classique
essentiellement les grands auteurs latins et grecs, la littérature allemande, il apprend aussi un peu d'                          , de français, d'italien, d'anglais
il n'est pas très doué pour le dessin et les arts                     
Nietzsche est un très bon élève, mais pas toujours le                 
Nietzsche achève sa scolarité à              en 1864, il a alors 20 ans
il portera un regard positif et reconnaissant sur ces années de formation
il estimera que la discipline, la rigueur, la maîtrise de soi exigées par l'institution scolaire sont seules à même de produire des personnalités             , résistantes, capables d'autodépassement, tant physiquement que mentalement
voici ce qui distingue la dure école de toute autre bonne école : que l'on y exige beaucoup ; que l'on exige avec sévérité ; que le bon, l'exceptionnel même, y est exigé comme normal ; que la                y est rare, que l'indulgence y est absente ; que le blâme s'y fait entendre durement et en toute objectivité
une telle école est nécessaire à tous points de vue : cela vaut pour ce qu'il y a de plus corporel comme pour ce qu'il y a de plus intellectuel »
Bonn
après Pforta, Nietzsche commence ses études à l'université de Bonn
il s'inscrit d'abord en théologie pour faire plaisir à sa                       
mais ce qui l'intéresse dans les cours de théologie, c'est la critique                          des textes religieux
au bout d'un semestre, il change de matière et passe en philologie                   
il fait une rencontre importante, celle du professeur Friedrich               , à qui il devra le lancement de sa carrière et sa nomination à l'université de Bâle et pour lequel il nourrira toute sa vie une profonde estime
Leipzig
Ritschl étant nommé en 1865 à l'université de Leipzig, Nietzsche décide de le suivre et de continuer ses études à Leipzig
1. Nietzsche approfondit sa connaissance de la philologie, dont il va faire son métier
ce qui l'intéresse n'est pas tant le contenu des                            (d'ailleurs, souvent, il n'assiste pas aux cours jusqu'au bout) que la forme de ces enseignements : comment un professeur transmet son savoir, quelle est sa méthode, quel type de pédagogue, d'éducateur il incarne
lui-même aura cette ambition d'être un                                 
Nietzsche critique l'érudition qui se prend pour sa propre fin et qui ne cherche pas à              la compréhension d'ensemble, le réseau de significations dont on est constituée une période historique donnée
pour Nietzsche, le but de la philologie, c'est de servir le                             
c'est de montrer le modèle d'achèvement culturel qu'était l'Homme de l'Antiquité et dont les Allemands doivent s'inspirer pour régénérer l'Allemagne contemporaine
2. la découverte de l'ouvrage d'Arthur                         
Le monde comme volonté et comme représentation, en octobre 1865
chez un boutiquier à côté de chez lui
c'est une révélation
Nietzsche a le sentiment de se retrouver dans ce livre.
« Je tenais ici le miroir dans lequel se reflétaient sous mes yeux avec une terrifiante majesté le monde, l'existence et mon propre cœur. »
Schopenhauer lui permet de donner corps à ses premières réflexions sur le tragique de l'existence –réflexions qu'il reprendra quelques années plus tard à travers l'analyse du rôle de la musique chez les Grecs
3. en octobre 1868, Nietzsche assiste à Leipzig à un concert où sont joués le prélude de                et l'ouverture des Maîtres chanteurs de Richard Wagner
il est absolument                par cette musique
« Il m'est absolument impossible de conserver une distance critique à l'égard de cette musique ; chaque fibre en moi, chaque nerf me lance, et il y a longtemps que je n'ai pas                                            un ravissement comparable à celui que m'a inspiré cette dernière ouverture »
par l'intermédiaire du professeur Ritschl, il a même l'occasion de rencontrer             , lors d'un dîner le 8 nov. 1868
Nietzsche est fasciné par une personnalité originale et indépendante et absolument enchanté de constater qu'il partage avec Wagner le même enthousiasme pour Schopenhauer, le seul philosophe qui ait, selon lui, vraiment saisi l'essence de la               
Bâle
au début de l'année 1869, Nietzsche est nommé professeur à la chaire de langue et littérature                  de l'université de Bâle, sur les chaudes recommandations de Ritschl
il n'a pourtant pas encore les diplômes             , pas de doctorat, mais les publications qu'il a réalisées lui permettent d'accéder au poste
Nietzsche voit en tout cas cette nomination comme une excellente occasion de se rapprocher de Wagner, qui vit depuis peu en Suisse, dans une petite ville à côté de Lucerne, qui s'appelle                   

Flashcards:

the historical backdrop
la toile de fond historique
among angels rather than men
parmi les anges que parmi les hommes
a form of contempt
une forme de mépris
frail, kind and sickly
frêle, gentil et maladif
would haunt him all his life
va le hanter toute sa vie
started an inexorable decline
entamé un inexorable déclin
I get older
je vieillis
better than anything, explains this neutrality
mieux que tout, explique cette neutralité
lack of bias
absence de parti pris
Friedrich reports in a moving text
Friedrich rapporte, dans un texte émouvant
And as I was looking for the cause
Et tandis que j'en cherchais la cause
dressed in his shroud
vêtu de son linceul
He strode toward the church
Il marcha à grands pas vers l'église
At once the roar of the organ was silent and I awoke
Aussitôt le grondement de l'orgue se tut et je m'éveillai
he had convulsions
il eut des convulsions
Whatever the truth of this dream
Quelle que soit la véracité de ce rêve
summoned in this same narrative
convoquées dans ce même récit
After the father's death
Après le décès du père
settle a hour away from there
s'installe à un heure de là
very obedient
très obéissant
whole verses of the Bible
des versets entiers de la Bible
befriends two sons
se lie d'amitié avec deux fils
very demanding
très exigeante
both moral and spiritual
tant morale que spirituelle
In this restrictive framework
Dans ce cadre très contraignant
not very good at drawing
pas très doué pour le dessin
self-control required by the institution
la maîtrise de soi exigées par l'institution
the softness of his muscles is betrayed with every step
la mollesse de ses muscles se trahit à chaque pas
that we demand a lot
que l'on y exige beaucoup
the praise
la louange
deepens his knowledge
approfondit sa connaissance
is not so much the content of the teachings
n'est pas tant le contenu des enseignements
because they stand too close to the table
car ils se tiennent trop près du tableau
an oil stain
une tache d'huile
shopkeeper
un boutiquier
I was holding the mirror here
Je tenais ici le miroir
I have not experienced a comparable rapture for a long time
il y a longtemps que je n'ai pas éprouvé un ravissement comparable
during a dinner
lors d'un dîner
to get closer to Wagner
de se rapprocher de Wagner

Enhanced Transcription:

Friedrich Nietzsche est né le 15 octobre 1844 à Röcken une petite ville d'Allemagne, située près de Leipzig.

L'Allemagne d'alors est un Etat encore en formation.

Le Saint Empire romain germanique, constitué d'une multitude d'Etats, a été dissous (were dissolved) en 1806, pendant les guerres napoléoniennes.

L'Allemagne, comme l'on sait, va être unifiée en 1871, sous l'égide (under the aegis) de Bismarck et de la Prusse – ces événements sont importants car ils constituent la toile de fond historique (the historical backdrop) de la philosophie de Nietzsche et l'on retrouve de nombreuses allusions dans son oeuvre, notamment une critique assez féroce du nationalisme allemand.

En tout cas, en 1844, à la naissance de Nietzsche, l'Allemagne se trouve dans une forme institutionnelle intermédiaire, elle s'appelle la Confédération germanique (« der deutsche Bund »), elle rassemble un peu moins de quarante Etats – dont le plus important est la Prusse.

Röcken se trouve alors en Prusse.

Nietzsche est un sujet prussien.

Coïncidence, il est né le même jour que le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV : son père, très attaché à la monarchie prussienne et à la personne du roi, lui donne donc le prénom du roi : en allemand, Friedrich-Wilhelm.

Le père de Nietzsche, Karl-Ludwig, est pasteur.

Il épouse en 1843 une fille de pasteur, la fille d'un de ses collègues, Franziska Oehler.

De cette union naissent trois enfants : Friedrich-Wilhelm, en 1844, Elisabeth en 1846 et Joseph en 1848.

Les premières années de la vie de Friedrich sont marquées, de manière indélébile, par deux disparitions. D'abord celle de son père.

Friedrich a alors à peine 5 ans.

Karl-Ludwig contracte une maladie dans l'été 1848 et perd en quelques mois ses facultés.

Le diagnostic établi à l'époque fait état d'un « ramollissement cérébral (brain softening) ».

La légende familiale, certainement propagée par la mère et la soeur de Nietzsche, qui deviendront expertes, comme l'on sait, dans l'art de la mystification, évoque pudiquement une chute dans l'escalier aux conséquences fatales.

Nietzsche considère en tout cas que le lien noué (the knotted link) avec son père dans ces premières années fut essentiel pour lui, constitutif de sa personnalité.

Très tôt, dans des textes écrits à l'adolescence, Nietzsche exprime une sensibilité pour les liens de filiation, il s'interroge sur la transmission entre générations d'aptitudes, de talents, de caractères.

Plus tard, il écrira dans une lettre à l'un de ses proches amis, Franz Overbeck, qu'il a hérité du sens de la compassion de son père (14 sept. 1884) : « La pitié est mon plus grand danger.

Peut-être une conséquence de la nature extraordinaire de mon père que tous ceux qui l'ont connu rangeaient plutôt parmi les anges que parmi les hommes (among angels rather than men).».

Remarquons au passage que ce thème de la pitié, et son ambivalence – est-ce positivement de la compassion ?

Ou bien, négativement, de la commisération, une forme de mépris (a form of contempt) ? - sera un fil rouge (a red thread) à travers l'œuvre de Nietzsche – et le cœur de sa critique du christianisme.

Friedrich décrit ailleurs son père comme un être « frêle, gentil et maladif (frail, kind and sickly), comme un être destiné à passer – plus un aimable souvenir de la vie (more a kind of memory of life) que la vie elle-même ».

La mort précoce de son père, disparu à 36 ans, va le hanter toute sa vie (would haunt him all his life).

Il a d'ailleurs l'intime conviction d'être condamné à vivre le même destin – et c'est du reste prémonitoire Dans Ecce Homo, son autobiographie, il considère qu'il a lui-même entamé un inexorable déclin (started an inexorable decline) précisément à l'âge où son père est mort.

Mais, de manière typique, il fait de cette vulnérabilité congénitale, de ce destin tragique, un élément d'autodéfinition et un présupposé de sa philosophie.

Il écrit : « Je suis déjà mort en la personne de mon père ; dans celle de ma mère, je vis encore et je vieillis (I get older).

Cette double origine, en quelque sorte au premier et au dernier échelon de la vie, à la fois décadent et commencement, voilà qui, mieux que tout, explique cette neutralité (better than anything, explains this neutrality), cette absence de parti pris (lack of bias) à l'égard du problème de la vie dans son ensemble qui me caractérise peut-être ».

La seconde disparition, dans ces mêmes années, c'est la mort de son petit frère, Joseph, en février, des suites d'une inflammation dentaire.

Friedrich rapporte, dans un texte émouvant (Friedrich reports in a moving text), qu'il écrit à 14 ans, le rêve prémonitoire qu'il a fait la nuit précédant le drame : « J'entendis dans l'église le son de l'orgue, comme à un enterrement. Et tandis que j'en cherchais la cause (And as I was looking for the cause), une tombe s'ouvrit soudain et mon père en sortit, vêtu de son linceul (dressed in his shroud).

Il marcha à grands pas vers l'église (He strode toward the church) et revint bientôt avec un petit enfant dans les bras.

La tombe s'ouvrit à nouveau, mon père y descendit et la pierre se referma.

Aussitôt le grondement de l'orgue se tut et je m'éveillai (At once the roar of the organ was silent and I awoke).

Le jour qui suivit cette nuit, mon petit frère Joseph tomba brusquement malade, il eut des convulsions (he had convulsions) et mourut en qq heures.

Notre peine fut terrible.

Mon rêve s'était totalement réalisé ».

Quelle que soit la véracité de ce rêve (Whatever the truth of this dream), il est évident que ces deux morts, convoquées dans ce même récit (summoned in this same narrative), ont profondément marqué le jeune Nietzsche et ont déterminé en partie sa biographie.

Après le décès du père (After the father's death), la famille quitte Röcken et s'installe à un heure de là (settle a hour away from there), à Naumburg, où le jeune Friedrich va grandir, entourée de femmes : sa mère, sa sœur, sa grand-mère et ses deux tantes.

Les témoignages de cette époque présentent Nietzsche comme un petit garçon à part, solitaire mélancolique, très sage, très obéissant (very obedient), capable de réciter par cœur des versets entiers de la Bible (whole verses of the Bible) – ce qui lui vaut le surnom de « petit pasteur ».

Il est en même temps intégré à la bonne société de Naumburg et se lie d'amitié avec deux fils (befriends two sons) de notables, Wilhelm Pinder et Gustav Krug.

Avec eux, il s'initie à la musique et à la littérature.

Lorsqu'il a 14 ans, en 1858, commence une étape essentielle de son éducation et de sa formation : pendant six ans Friedrich est interne au collège royal de Pforta, situé à une heure de marche de Naumburg et il y reçoit une formation très exigeante (very demanding) dans les « humanités classiques ».

Le collège de Pforta est un collège réputé et très élitiste qui forme essentiellement de futurs enseignants.

C'est un véritable Etat scolaire avec cloître, église, très protégé de l'extérieur, soustrait à toute agitation politique qui vit dans le Temps suspendu de la Grèce et de la Rome antiques, et qui est régi par des règles très stricts.

Dans le règlement intérieur, on peut lire ceci : « Les parents () cèdent la totalité de leurs droits parentaux à cette institution afin qu'elle se charge de l'éducation, tant morale que spirituelle (both moral and spiritual), de ces enfants».

Dans ce cadre très contraignant (In this restrictive framework), à la discipline presque militaire, le jeune Nietzsche assimile la culture classique, essentiellement les grands auteurs latins et grecs, la littérature allemande, il apprend aussi un peu d'hébreu, de français, d'italien, d'anglais (Byron est à l'époque son poète préféré ; d'ailleurs, l'idée de « surhomme » apparaît pour la première fois dans un travail qu'il rédige sur Byron durant ces années à Pforta - en 1861-62).

Il n'est, semble-t-il, pas très doué pour le dessin (not very good at drawing) et les arts plastiques -il faut dire qu'il est desservi par une forte myopie : sa sensibilité esthétique est avant tout auditive, plutôt que visuelle, et s'exprime dans son goût prononcé pour la poésie et, bien sûr, la musique.

Au total, Nietzsche est un très bon élève, mais pas toujours le meilleur ; il écrira bien plus tard en 1887, avec l'immodestie assez hilarante qui le caractérise, mais dont on n'est pas toujours sûr qu'il s'agisse de second degré : « J'étais en moyenne le 3e de ma classe, conformément à l'ordre naturel qui règne dans un établissement réglé selon les principes habituels de la morale, et qui veut que le plus travailleur occupe la première place, le miroir de toutes les vertus la deuxième, et l'être d'exception seulement la troisième ».

Nietzsche achève sa scolarité à Pforta en 1864, il a alors 20 ans.

Rétrospectivement, il portera un regard positif et reconnaissant sur ces années de formation.

Il estimera que la discipline, la rigueur, la maîtrise de soi exigées par l'institution (self-control required by the institution) scolaire sont seules à même de produire des personnalités fortes, résistantes, capables d'autodépassement (self-surpassing), tant physiquement que mentalement – un thème bien sûr central dans son œuvre philosophique : « Je ne vois absolument pas comment quelqu'un qui aurait manqué de fréquenter en temps utile une bonne école peut réparer cela par la suite. Un tel être ne se connaît pas ; il marche dans la vie sans avoir appris à marcher ; la mollesse de ses muscles se trahit à chaque pas (the softness of his muscles is betrayed with every step).

Voici ce qui distingue la dure école de toute autre bonne école : que l'on y exige beaucoup (that we demand a lot) ; que l'on exige avec sévérité ; que le bon, l'exceptionnel même, y est exigé comme normal ; que la louange (the praise) y est rare, que l'indulgence y est absente ; que le blâme s'y fait entendre (is heard) durement et en toute objectivité.

Une telle école est nécessaire à tous points de vue : cela vaut pour ce qu'il y a de plus corporel comme pour ce qu'il y a de plus intellectuel ».

Après Pforta, Nietzsche commence ses études à l'université de Bonn.

Il s'inscrit d'abord en théologie pour faire plaisir à sa mère.

Mais ce qui l'intéresse dans les cours de théologie, c'est la critique philologique des textes religieux.

Au bout d'un semestre, il change de matière et passe en philologie classique (c'est-à-dire l'étude de la langue et de la littérature grecques et latines).

Il fait une rencontre importante, celle du professeur Friedrich Ritschl, à qui il devra le lancement de sa carrière et sa nomination à l'université de Bâle et pour lequel il nourrira (he will cherish) toute sa vie une profonde estime.

Ritschl étant nommé en 1865 à l'université de Leipzig, Nietzsche décide de le suivre et de continuer ses études à Leipzig.

Que retenir de ces années d'études, qui s'étendent de 1864 à 1869 ?

Trois choses : 1 – d'abord, Nietzsche approfondit sa connaissance (deepens his knowledge) de la philologie, dont il va faire son métier.

Mais il développe un rapport particulier à la discipline et à son enseignement.

Ce qui l'intéresse n'est pas tant le contenu des enseignements (is not so much the content of the teachings) (d'ailleurs, souvent, il n'assiste pas aux cours jusqu'au bout) que la forme de ces enseignements : comment un professeur transmet son savoir, quelle est sa méthode, quel type de pédagogue, d'éducateur il incarne : voilà un questionnement qui sera chez lui permanent.

Lui-même aura cette ambition d'être un éducateur.

Nietzsche critique l'érudition qui se prend pour sa propre fin et qui ne cherche pas à saisir la compréhension d'ensemble, le réseau de significations dont on est constituée une période historique donnée: « La plupart des philologues, dit-il, sont incapables de prendre de l'Antiquité cette exaltante vue d'ensemble car ils se tiennent trop près du tableau (because they stand too close to the table), s'attachant à l'examen d'une tache d'huile (an oil stain), au lieu d'admirer, et qui plus est, de goûter l'allure grandiose et audacieuse de la composition totale ».

Pour Nietzsche, au fond, le but de la philologie, c'est de servir le présent : c'est de montrer le modèle d'achèvement culturel qu'était l'Homme de l'Antiquité et dont les Allemands doivent s'inspirer pour régénérer l'Allemagne contemporaine.

2 – La découverte de l'ouvrage d'Arthur Schopenhauer Le monde comme volonté et comme représentation, en octobre 1865, chez un boutiquier (shopkeeper) à côté de chez lui.

C'est une révélation. Nietzsche a le sentiment de se retrouver dans ce livre. « Je tenais ici le miroir (I was holding the mirror here) dans lequel se reflétaient sous mes yeux avec une terrifiante majesté le monde, l'existence et mon propre cœur. »

Schopenhauer lui permet de donner corps à ses premières réflexions sur le tragique de l'existence –réflexions qu'il reprendra quelques années plus tard à travers l'analyse du rôle de la musique chez les Grecs.

3 - En octobre 1868, Nietzsche assiste à Leipzig à un concert où sont joués le prélude de Tristan et l'ouverture des Maîtres chanteurs de Richard Wagner.

Il est absolument conquis par cette musique.

Il écrit à un ami : « Il m'est absolument impossible de conserver une distance critique à l'égard de cette musique ; chaque fibre en moi, chaque nerf me lance, et il y a longtemps que je n'ai pas éprouvé un ravissement comparable (I have not experienced a comparable rapture for a long time) à celui que m'a inspiré cette dernière ouverture » (lettre à Rohde).

Par l'intermédiaire du professeur Ritschl, il a même l'occasion de rencontrer Wagner, lors d'un dîner (during a dinner) le 8 nov. 1868.

Nietzsche est fasciné par une personnalité originale et indépendante et absolument enchanté de constater qu'il partage avec Wagner le même enthousiasme pour Schopenhauer, le seul philosophe qui ait, selon lui, vraiment saisi l'essence de la musique.

Au début de l'année 1869, Nietzsche est nommé professeur à la chaire de langue et littérature grecques de l'université de Bâle, sur les chaudes recommandations de Ritschl.

Il n'a pourtant pas encore les diplômes requis, pas de doctorat, mais les publications qu'il a réalisées lui permettent d'accéder au poste.

Nietzsche voit en tout cas cette nomination comme une excellente occasion de se rapprocher de Wagner (to get closer to Wagner), qui vit depuis peu en Suisse, dans une petite ville à côté de Lucerne, qui s'appelle Tribschen.

La vie de Nietzsche jusqu'à Bâle
Les années bâloises : 1869-1879
Pourquoi un peuple si joyeux a-t-il inventé la tragédie ?