EDWARD'S LECTURE NOTES:
More notes at http://tanguay.info/learntracker
C O U R S E 
Christianisme et philosophie dans l'Antiquité
Sébastien Morlet, Sorbonne University
https://www.edx.org/course/christianisme-et-philosophie-dans-sorbonnex-eg001x
C O U R S E   L E C T U R E 
Les attaques contre la Bible et ses exégèses
Notes taken on February 24, 2019 by Edward Tanguay
trois types d'arguments utilisés par les philosophes contre les chrétiens, les deux premiers sont:
1. les attaques contre la doctrine
2. concernent le texte biblique et l'exégèse des chrétiens
c'est-à-dire la façon dont ils l'interprètent
il est difficile de savoir comment les philosophes ont eu accès au texte biblique
il faut exclure l'hypothèse qu'ils auraient lu la Bible du début jusqu'à la fin
Celse (iie siècle)
ne connaît que quelques épisodes bibliques
il n'a pas une connaissance d'ensemble de ce texte
Porphyre (234–305)
semble avoir eu une meilleure connaissance de la Bible
il a peut-être, pour certaines sections, comme le livre de Daniel, effectué une lecture complète
Hiéroclès (iie siècle)
est surtout connu pour sa dénonciation des évangiles
Julien (332-363)
il doit sa connaissance du texte biblique avant tout à sa formation chrétienne
la Bible représente pour les philosophes un ensemble de fables
bonnes pour les enfants ou pour les vieilles femmes
ce mot de « fable » suppose deux choses:
1. les textes bibliques rapportent des histoires fausses
2. ils ne serviraient qu'à charmer le lecteur et n'auraient aucun sens profond, aucun profit, aucune vérité
le détail de leur critique n'est malheureusement pas bien connu
on connaît surtout les reproches que les philosophes adressent aux chapitres 2 et 3 de la Genèse
au chapitre 2, Dieu interdit à Adam et à Eve de toucher de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal
au chapitre 3, ils se laissent tenter par le serpent et enfreignent l'ordre divin
Porphyre semble avoir mis en cause l'interdiction divine : un fragment, transmis par un chrétien actif dans la seconde moitié du IVe s., Sévérien de Gabala, souligne l'absurdité d'un Dieu qui interdit à sa création la connaissance du Bien
d'après des sources plus tardives, Porphyre aurait demandé également pourquoi Dieu avait planté dans le Paradis un arbre dont il ne pouvait ignorer qu'il causerait la perte de l'humanité
il dénonçait également la jalousie de ce Dieu qui interdit à sa créature de manger de l'arbre et plus précisément de l'arbre de la connaissance
Julien s'interroge dans quelle langue le serpent s'est-il exprimé, et en quoi, de tels propos diffèrent-ils des fables forgées chez les Grecs
dans ce cas très précis, on sait que la critique païenne a été précédée par la critique marcionite
les Marcionites étaient des chrétiens qui rejetaient l'Ancien Testament
le Dieu qui s'y exprime était un créateur jaloux et mauvais, tandis que le Dieu de Jésus était un Dieu bon
dans une oeuvre intitulée les Syllogismes, en 38 livres, un disciple de Marcion, Apelles, avait développé de nombreux arguments contre le récit de Gn 2 dont certains se retrouvent chez les philosophes
il est donc intéressant de constater que la critique philosophique était ici inspirée par une critique dont l'origine est à chercher du côté des chrétiens
un autre cas bien connu est celui du Livre de Daniel
censé avoir été composé au VIe s. avant J.-C., sous les Babyloniens
ce livre, d'après Porphyre, serait un faux littéraire rédigé sous Antiochus Epiphane, le roi séleucide
Porphyre s'appuyait à ce propos sur l'histoire de Suzanne, dans le Livre de Daniel
deux vieillards tentent de violer la belle Suzanne
ils se défendent en prétendant qu'ils l'ont vue avoir des relations avec un homme
Daniel les interroge séparément et confond leur mensonge
l'un prétend les avoir vus sous un lentisque (schinon, en grec)
Daniel répond : « Dieu te fendra par le milieu »
l'autre affirme les avoir vus sous un chêne vert
Daniel répond : « L'ange de Dieu attend pour te couper (prinon) par le milieu »
il y a donc dans le texte grec des jeux de mots évidents
les deux verbes utilisés par Daniel rappellent ironiquement le nom des deux arbres évoqués par les vieillards
Porphyre en concluait que le texte ne pouvait avoir été composé qu'en grec : il n'avait donc pas d'original en hébreu
Porphyre se trompait et avait raison à la fois
l'histoire de Suzanne fait partie des ajouts grecs de Daniel : elle n'a pas d'équivalent dans le texte hébraïque
il s'agit donc probablement d'un texte composé au IIe siècle
en revanche, Porphyre avait tort d'en conclure au caractère récent du texte
l'essentiel du livre de Daniel existe en effet en hébreu, avec des parties en araméen
ce noyau est plus ancien que le IIe s.
l'interprétation que les chrétiens donnent au texte de l'Ancien Testament, maintenant, pose deux problèmes aux philosophes
1. dès Celse, ils dénoncent le fait que les chrétiens veulent à toute force appliquer au Christ des textes qui, de toute évidence, ne peuvent pas lui convenir
2. ils critiquent par ailleurs l'usage, selon eux abusif, que les chrétiens font de l'allégorie
Celse la présente déjà comme une fuite, et non comme un moyen acceptable de comprendre le texte
la critique païenne mettait ici le doigt sur deux aspects essentiels de l'exégèse chrétienne : son caractère christocentré, d'une part, et sa dimension spirituelle
les chrétiens avaient l'habitude d'interpréter les moindres passages de l'Ancien Testament, y compris les récits, comme des prophéties du Christ
quand ils ne pouvaient le faire en suivant la lettre du texte, ils proposaient des interprétations spirituelles
ce procédé exégétique qui consiste à donner un sens spirituel à un texte narratif a été appelé par les Modernes l'exégèse typologique
Justin écrit déjà au IIe s., qu'il y a dans la Bible des prophéties et des « tupoi »
les prophéties sont les annonces du Christ proclamées par les prophètes
les tupoi sont les récits qui annoncent mystérieusement le Christ
les exégètes chrétiens considèrent par exemple que l'épisode où Isaac porte le bois pour être sacrifié annonce typologiquement la passion du Christ
ou que le combat de Jacob avec l'ange, dans la Genèse, est une annonce typologique du combat du Christ contre le diable
ces deux aspects de l'exégèse chrétienne
1. cette orientation christologique
2. cette dimension spirituelle
sont particulièrement claires dans l'exégèse d'Origène
le tort des chrétiens, d'après Porphyre, était de présenter comme des énigmes pleines de mystères cachés les écrits tout à fait simples de Moïse